Dans la tête de Monfils
Après six mois d’absence, le Français a souffert face à Tomas Berdych, facile vainqueur 6-3, 6-2. Décryptage des soucis d’un revenant. DUBAÏ – de notre envoyé spécial
GAËL MONFILS a un point commun avec Roger Federer. Il est « rouillé », expression choisie lundi par le numéro 1 mondial pour illustrer ses tracas du moment. La comparaison s’arrêtera là : après six mois hors circuit pour cause des blessures diverses et variées (poignet, genou), le Français est largement plus corrodé que le Suisse. Trop, en tout cas, pour honorer dignement son retour face à l’impétueux 10e mondial, Tomas Berdych. La mission présumée très ardue se révéla franchement impossible tant le virevoltant puncheur tchèque – trois points perdus sur son service au premier set – fut injouable pour le Parisien convalescent.
À l’exception de quelques petits crissements de chaussures et de quelques paires de services explosifs (dont l’un à 234 km/h), Monfils n’avait plus grand-chose du « Sliderman » rugissant. Capable sur quelques engagements de tenir en début de set, il n’avait pas encore les idées assez claires pour riposter plus longtemps face à un cador parfaitement délié. Implacablement normal. Mettons-nous dans la tête du revenant.
« Être numéro 1 »
Depuis trois semaines, il délivre de très bonnes séances à l’entraînement sur les courts indoor de Paris, sans trop forcer pour ne pas tirer sur un corps fragilisé. Mais le débarquement sous le soleil des Émirats, de nouveau au milieu des collègues, ravive les tensions précédant les matches.
Soudainement, la balle se fait moins mordante à l ’approche de l’échéance, exacerbant l’angoisse du retour. Contrariété supplémentaire, voilà que le coude, turbinant à nouveau à plein régime, commence à le faire un peu souffrir. Et cette vie sur le circuit qu’il faut dompter à nouveau… « Gaël était dans un cycle, à Paris, où il faisait ce qu’il voulait après les entraînements, précise son entraîneur, Thierry Champion. Là, on a dû changer d’hôtel, ça gonfle. De nouveau, deux heures d’attente dans sa chambre lui paraissent longues. C’est tout cela qu’il faut supporter pour réapprendre à vivre en tournoi. » Pour conclure, l’ombre inquiétante de Berdych se profile pour l’étalonnage. « C’est cette rencontre qui allait situer son niveau de match, poursuivait Champion. Par rapport à ce qu’il est capable de faire à l’entraînement, il a eu du mal à délivrer ses coups. Gaël était en retrait sur ses frappes. Avec l’appréhension qu’il avait, il n’osait pas, il n’avait pas d’appui, il était vachement aérien. Le petit jeu de jambes lui manquait. En revers, il a simplement caressé la balle. Il va falloir qu’il reprenne un fil conducteur, car il s’est montré perdu sur le terrain dès qu’il a été breaké. »
Loin d’être un réquisitoire, les paroles du coach montraient surtout combien la sortie du frigidaire des artistes diminués peut être malaisée tant les paramètres s’accumulent . « Dans cette optique, ce sont les jours qui viennent qui vont être importants selon son degré d’envie et d’implication, concluait Champion. Pour une reprise, il faut se donner du temps, mais c’est justement pour cela qu’il ne faut pas louper ses journées… » Sous l’oeil d’Arnaud Lagardère, ne ratant aucune occasion de soutenir les membres de son team, le joueur avait conscience de l’immensité de la tâche et des chausse-trapes en tout genre. « Évidemment, je prends ce qu’on peut appeler une branlée et ça va faire parler, ruminait Monfils au terme de sa première sortie (de route). Mais je n’avais pas de repères. Pas facile quand on manque de réglage et de confiance… D’autant qu’avec mon coude je n’avais pas pu servir depuis deux jours. Et je me suis déjà vu mieux servir en match ! Contre Berdych, j’en ai lâché quelques-uns pour voir si ça tenait, mais la deuxième balle n’était pas rapide. Il faut essayer de chauffer plus la machine à l’entraînement, tenir quelques petites charges à l’entraînement, mais dès que je pousse, je me casse… Au moins, j’ai eu la chance d’être sur un terrain de tennis pour voir le niveau et j’ai pu me souvenir de ce qu’est la tension des matches. »Mais aussi long que sera le chemin vers la lumière, Monfils avait hier la certitude d’en voir le bout. « Mon but, c’est toujours d’être numéro 1. Et si tu veux être le meilleur, il ne faut jamais abandonner. » Foi de la « Monf» . FRANCK RAMELLA