i reccomend to everyone to read this interview,not cos this is Guy but cos it'a very nice one,and he talks about his life,his attitude,how much he changed tru the years etc.
C'est un homme de 37 ans plein d'assurance et disponible, ferme sur ses convictions mais entièrement ouvert au dialogue, que les lecteurs du « Parisien » ont pu rencontrer. Guy Forget, dans ce jeu des questions-réponses avec son public, prouve réellement que le personnage a beaucoup changé et énormément mûri. D'ailleurs, le capitaine de l'équipe de France, qui s'apprête à relever de nouveau le défi de la Coupe Davis, parle longuement de lui, avec lucidité, franchise et parfois même sans l'ombre d'une concession. Mais toujours avec passion. Cette passion pour la petite balle jaune qu'il n'a de cesse de communiquer à ses joueurs, fort d'une déjà riche expérience. Et qui, on l'espère, aidera à faire la différence ce week-end à Bercy...
MARIE HERVIEU.
Le fait d'être tenant du titre change-t-il quelque chose dans la manière d'aborder cette finale de Coupe Davis ?
Guy Forget. Cela réconforte les joueurs sur leur capacité à battre un adversaire a priori supérieur. Un exemple : un athlète qui un jour court le 100 mètres sous les 10 secondes sait qu'il peut le refaire. Sans la victoire en Australie de l'an dernier, on se serait dit : Allez, on va essayer de faire un coup. On ne sait pas trop où on va. Est-ce que les Russes vont être bons ? Est-ce qu'on va être capables de gérer le facteur émotionnel ? Etc.
REGINE LECLERC.
Qui, parmi vos joueurs, est en mesure de battre Marat Safin ?
Le mieux armé est Sébastien Grosjean, de par ses résultats et son style de jeu. Derrière, ils sont trois sensiblement du même niveau : Fabrice Santoro, l'empêcheur de tourner en rond ; Arnaud Clément, le fox-terrier. Celui-là, à partir du moment où il vous mord, il ne vous lâche pas. Et il y a enfin Paul-Henri Mathieu. C'est le seul Français qui peut se permettre d'engager un duel physique en jouant à la castagne. Pour battre Safin sur terre battue, il faut en fait être un remarquable contreur, un très bon défenseur et avoir de grosses qualités physiques.
JULIEN ROMANO.
Santoro a déjà battu Safin six fois sur sept. N'est-ce pas un avantage ?
Les victoires de Fabrice sur Safin m'ont toujours beaucoup étonné. C'est un peu l'éléphant qui a peur de la souris. Il se trouve que par la qualité de son jeu, Fabrice fait dégoupiller Safin qui passe d'un niveau élevé à un niveau très médiocre. Maintenant, si je fais jouer Santoro le premier jour contre Safin, il sera physiquement un peu entamé pour le double.
JULIEN ROMANO.
Des joueurs ont-ils déjà refusé une sélection en équipe de France ?
J'ai été confronté à de petits problèmes avec Cédric Pioline à un moment donné. Non pas que la Coupe Davis ne l'intéressait pas, mais par rapport à des habitudes qu'il avait, à son schéma de fonctionnement. Un petit bras de fer s'était engagé. Mais pour l'instant, hormis Mary Pierce en Fed Cup, personne n'a traîné les pieds pour venir en sélection.
« J'ai toujours eu des doutes sur mes capacités. Cela m'a longtemps pénalisé »
MARIE HERVIEU.
Comment s'établit la rémunération des joueurs en Coupe Davis ?
Il y a une cagnotte à la fin de l'année qui regroupe les prix attribués aux équipes et les recettes provenant des spectateurs. Il faut déduire tous les frais pris en charge par l'organisation de l'épreuve. Quand il y a des bénéfices, ils sont partagés entre les joueurs suivant un barème très précis, à savoir un pourcentage par sélection, par match joué et par match gagné ou perdu. Le capitaine touche 15 % sur ce qu'il reste à la fin de l'année. S'il y a déficit, c'est la fédération qui couvre. Quand on va partager la recette de l'année 2002, Cédric Pioline, qui a joué en 2001 dans un pourcentage un peu faible, va récolter une partie de ce que ses copains auront gagné aujourd'hui. Idem pour Olivier Delaître, qui n'a joué que le match de double à Rennes il y a deux ans, il a reçu un chèque à la fin de l'année 2001 de 200 000 F ou 300 000 F (NDLR : 30 500 € ou 45 700 €).
OLIVIA BAUMGARTNER.
J'ai beau être une licenciée, je n'ai pas pu acheter de places pour la finale à Bercy. Sans piston, c'est mission impossible. C'est à croire qu'il n'y a des places que pour les VIP...
Je sais, je sais... C'est un problème même pour nous. Par joueur, on a quinze invitations. Si on en veut plus, il faut les acheter. Et j'ai eu jusqu'à cent demandes par jour. Il n'y a rien de pire que de devoir refuser.
OLIVIA BAUGMARTER.
J'ai même essayé par une parente à Genève d'avoir des places par la ligue de Haute-Savoie. On m'a répondu qu'il n'y avait que huit places pour cette ligue...
Demandez donc une explication à Christian Bîmes (NDLR : président de la Fédération française de tennis). Il n'est pas en très bons termes avec M. Lovera, président de la ligue de Haute-Savoie. C'est scandaleux que la ligue de Haute-Savoie, la première ou deuxième de France, n'ait eu que huit places.
JULIEN ROMANO.
Le joueur Forget a longtemps manqué de confiance en lui. Pourquoi ?
Quand j'ai commencé, on allait à l'aventure au niveau de l'entraînement, de la préparation physique et psychologique. Yannick (Noah) était au-dessus du lot. C'est le premier Français qui a ouvert la voie des joueurs charismatiques, qui se comportaient comme des vainqueurs sur le court. On essayait bien de l'imiter. Mais se comparer à Noah quand on est adolescent, ce n'est pas facile. Il est grand, il est noir, il saute haut, il parle fort. On se dit : Qu'est-ce que j'ai en commun avec ce mec-là ? Petit, j'étais très timide, un peu introverti. J'étais le petit dernier, j'avais une mère un peu autoritaire. J'ai toujours eu des doutes sur mes capacités. Cela m'a longtemps pénalisé. J'étais très fort techniquement mais, arrivé à un haut niveau, ça se joue à l'ego. Il faut être très méchant, très dur, parfois avoir une forme de prétention pour se persuader qu'on est le meilleur. Cette image de garçon timide, gentil, je l'ai traînée, même après quand je jouais bien. Pour des raisons extérieures au tennis, j'ai mûri beaucoup plus tard que certains.
« En Coupe Davis, on vit des choses semblables aux footballeurs ou aux rugbymen »
JULIEN ROMANO.
Vous servez-vous de cette expérience-là avec vos joueurs aujourd'hui ?
Aujourd'hui, les joueurs sont beaucoup mieux armés par rapport à ça. Ils ont des points de repère. Depuis, ils ont vu Pioline, moi, et se sont dits : Ils l'ont fait, je peux le faire. C'est plus simple pour eux. En France, on a plus une mentalité de vainqueur maintenant. Avant, le vainqueur était un gars presque anormal. On avait Poulidor, des bons gars qui se bagarraient bien, des deuxièmes. Et puis on a commencé à gagner un peu, et maintenant on gagne dans toutes les disciplines, en handball, en foot, en rugby... Les mentalités ont changé.
MARIE HERVIEU.
Le capitaine Forget en 2002 n'est plus le même que le capitaine Forget en 1999. Pourquoi ?
Quand j'ai pris en main cette équipe, je n'étais pas suffisamment armé pour faire face aux problèmes. J'essayais de résoudre les cas avec mon expérience de joueur. Il n'y a pas d'école pour être capitaine. J'ai avancé à tâtons. Je n'ai pas été assez vigilant, objectif, catégorique. Cela s'est retourné contre moi. Je me suis donc entouré de gens qui croyaient en moi et on a fonctionné selon mes règles. J'ai dit aux joueurs : Vous allez vous mettre au service du capitaine de l'équipe sans poser de questions.
OLIVIA BAUMGARTNER.
Etes-vous épanoui aujourd'hui ?
Oui, je suis un capitaine heureux parce que j'ai la chance d'avoir de bons résultats. Au-delà de la victoire, l'aspect humain est magnifique. En Coupe Davis, on vit des choses semblables aux footballeurs ou aux rugbymen. C'est ce qui nous manque dans notre sport d'égoïstes. C'est une satisfaction personnelle importante, surtout quand on voit d'où on est venu, que la mayonnaise a pris, que le groupe est relativement soudé. Même si c'est fragile, c'est très chouette.
OLIVIA BAUMGARTNER.
Est-ce plus fort de gagner la Coupe Davis en tant que joueur qu'en tant que capitaine ?
C'est différent. La victoire de Lyon en 1991 restera incomparable parce que c'était la première. C'est un peu comme un alpiniste qui s'attaque pour la première fois à un sommet. Pour nous, c'était énorme. Les victoires suivantes avaient un goût qu'on connaissait. La délivrance sur la balle de match reste toujours aussi forte, mais Lyon reste particulier, peut-être aussi parce que j'étais acteur.
ERIC CHARRIER.
Si vous gagnez une deuxième Coupe Davis d'affilée, n'est-ce pas l'occasion rêvée de...
(Il coupe.) Oh, non ! Je ne vais pas partir là-dessus. Je ne jouais pas au tennis pour battre des records mais parce que j'aimais ça. Je suis capitaine parce que j'aime ça et que mes joueurs me le rendent au centuple. Tant que j'aurai cette flamme, je continuerai. Je n'aime pas ce côté du champion qui se dit : J'ai gagné, je me retire. C'est le côté un peu égocentrique, prétentieux du sportif ou de l'actrice sublissime qui, à 35 ans, dit stop à cause d'une ride au coin des yeux. J'ai beaucoup de respect pour un garçon comme Chang qui continue par passion. S'arrêter au sommet, c'est avoir peur de quelque chose qui fait partie de la vie.
OLIVIA BAUMGARTNER. Qui voyez-vous, le moment venu, assurer votre succession ?
Je n'en sais rien. Je suis responsable d'un état esprit. J'essaie de transmettre des valeurs et il faut que, le jour où je laisse le groupe, mon successeur arrive dans une société saine.
FREDERIC SANFOURCHE.
Que feriez-vous en tant que ministre des Sports ?
Je donnerais une place plus importante au sport dans la vie scolaire. J'essaierais d'avoir des crédits plus importants pour le sport, bien avant la culture et l'armée. Je m'engagerais dans des mesures préventives contre le dopage. Mais le dopage ne peut être vaincu que par les athlètes eux-mêmes.
JULIEN ROMANO.
Je suis classé 0, je connais de très bons joueurs qui laissent entendre qu'il faut se doper pour rester dans les cent premiers mondiaux...
Je suis persuadé que c'est faux. On peut être dans les dix premiers sans jamais avoir pris le moindre produit dopant. Je parle d'aujourd'hui, dans dix ans je ne sais pas. Maintenant, je mentirais si je disais qu'il n'y a pas des tricheurs. Mais, en tennis, le petit peut battre le grand, contrairement à d'autres sports... Si mes enfants s'engageaient dans certains sports aujourd'hui, je serais très inquiet. Je les en détournerais. Il y en a beaucoup où il est quasiment impossible de s'imposer sans se doper.
REGINE LECLERC.
Vos enfants s'intéressent-ils au tennis ?
Oui mais je ne sais pas s'ils seront des champions. Ils passent moins de temps sur le court que moi au même âge. J'en suis responsable. Quand le week-end arrive, je préfère les emmener faire du ski.
FRANÇOIS-HENRI MAUBLANC.
Yannick Noah a-t-il toujours une influence sur vous, sur l'équipe de France ?
Quand on se voit, on parle peu de tennis. Le travail que j'effectue et mon rôle en tant que capitaine, sous bien des aspects, ressemblent à ceux de Yannick. Je n'ai pas de recette miracle. Yannick non plus n'en avait pas. Souvent, les gens disaient de lui que c'était un sorcier. En fait, il n'y avait pas de gars plus rigoureux, plus méthodique dans la préparation de Coupe Davis. Sous cet aspect-là, je lui ressemble. Il était à Roland-Garros, il sera là à Bercy pour la finale, pour nous encourager. Quand il m'interroge, c'est plus pour savoir ce qu'il se passe au sein de l'équipe, vivre ça de l'intérieur, que pour me donner des conseils.
REGINE LECLERC.
Comment trouvez-vous le Noah chanteur ?
C'est quelque chose que je lui envie. Il est très bon sur scène. Je trouve qu'il y a beaucoup de gens dont c'est le métier qui sont beaucoup moins à l'aise et qui ne communiquent pas comme lui avec le public. Il s'en fiche si on le trouve mauvais et qu'il n'y a que dix personnes dans la salle. Cela ne l'empêchera pas de s'éclater. Si cela m'arrivait, j'en serais malade.
ERIC CHARRIER.
On a vu beaucoup de maillots de l'équipe de France de football en demi-finale face aux Etats-Unis. Y a-t-il un effet Coupe du monde qui profite aujourd'hui au tennis ?
C'est marrant car, en 1991, avant même les Bleus et la Coupe du monde 1998, on a battu les Etats-Unis en finale de la Coupe Davis. On était peut-être la première équipe sportive française qui gagnait une compétition face à une formation qui paraissait intouchable. Battre Agassi et Sampras à cette époque-là, c'était aussi fort que de battre le Brésil au Stade de France en 1998. D'une certaine manière, nous avons été les premiers à ouvrir la voie. Quant au public, son impact est capital. Le joueur adverse a beau dire qu'il est dans sa bulle, qu'il n'entend rien, c'est faux. Parfois, Kafelnikov et Safin deviennent très perméables à ce genre de situation. Je veux qu'on arrive à les toucher sur ces points sensibles. Cela peut faire la différence.
CLAIRE BONE.
Qui voyez-vous dominer le classement national, voire mondial ?
Sébastien Grosjean est bien installé, il est jeune. Mais un garçon comme Paul-Henri Mathieu peut assez vite le bousculer. Aujourd'hui, c'est lui qui a le plus de chances d'arriver vite dans les tout meilleurs au monde.
OLIVIA BAUMGARTNER.
La suprématie des deux soeurs Williams est à mon goût néfaste pour le tennis féminin. Qu'en pensez-vous ?
Les Williams ont mis la barre très haut. Derrière, excepté Mauresmo, il y a plein de joueuses qui ne sont pas abouties techniquement, qui ont une surcharge pondérale de 5 à 15 kg pour certaines, mais qui sont quand même parmi les dix meilleures joueuses du monde et gagnent trois millions de dollars par an... Aujourd'hui, pour pouvoir battre les Williams, qui ont des lacunes dans leur jeu, il faut avoir des filles beaucoup plus fortes techniquement, intelligentes. Il y en a tellement qui jouent bêtement, c'est affligeant. La plupart des autres filles se sont endormies. Les Seles, Capriati et Davenport ne sont pas des athlètes. Quand je vois la finale du 400 m en athlétisme, je suis désolé, je ne vois pas une fille qui a un kilo en trop.
MARIE HERVIEU.
Si vous le pouviez, que changeriez-vous dans votre carrière de joueur ?
J'aurais aimé avoir le recul de mes 28 ans lorsque j'ai commencé ma carrière. Je vivais mal le fait de ne pas pouvoir m'exprimer, un peu comme un comédien qui aurait souffert d'un bégaiement. Quand j'ai franchi ce cap-là, cela me paraissait tellement facile et extraordinaire que je suis frustré de ne pas avoir pu intégrer beaucoup plus tôt ces aspects-là, tout ce qui touche à l'émotionnel, à la croyance que l'on peut avoir dans ses forces. Trop de doutes m'ont fait perdre du temps.
CLAIRE BONE.
Quelle image aimeriez-vous laisser ?
Celle de quelqu'un passionné par ce qu'il faisait, qui l'a fait de manière sérieuse et rigoureuse. J'ai toujours eu une hygiène de vie, je ne fumais pas, je ne fume toujours pas, je ne buvais pas, j'essayais d'être professionnel, je crois que c'est l'image que j'ai. Ma mère m'a toujours poussé dans ce sens. Je préfère une image saine à celle de quelqu'un de grossier, irrespectueux des traditions, des gens, même si les jeunes s'identifient plus facilement à des gars plus extravertis.