Les galères de Recouderc
Finaliste juniors de Roland-Garros 2002, le Français, qui attaque aujourd’hui les qualifs, n’a toujours pas disputé le moindre match sur le circuit principal.
BATTRE DANS UNMÊME Roland-Garros Tomas Berdych, Robin Söderling et Andreas Seppi n’est pas donné à tout le monde. C’est pourtant la performance qu’a réalisé Laurent Recouderc, il y a cinq ans, chez les juniors, avant de s’incliner en finale devant Richard Gasquet . Aujourd’hui, Berdych est 12e mondial, Söderling 28e, Seppi 94e et Recouderc… 312e.
« Je suis à la rue »
Ces dernières semaines, pendant que les trois premiers disputaient les Masters Series de Monte-Carlo, Rome et Hambourg, le dernier égrenait les tournois Futures en Égypte et en Algérie. Mais que s’est-il donc passé depuis 2002 ? « Vous allez me dire que c’est frustrant de voir ces mecs-là, que j’ai battus chez les juniors, dans le top 100 mondial, lance d’emblée Recouderc. Mais, en même temps, ça donne de l’espoir. La différence entre eux et moi, c’est juste que j’ai besoin d’un peu de temps en plus. »
Il faut dire aussi que les circonstances n’ont pas joué en sa faveur. Après une première année chez les pros terminée au 343e rang ATP, le Français se blessa gravement aux deux poignets fin 2003. À deux doigts de tout plaquer, il finit par quitter le giron de la FFT, partit se régénérer en Belgique sur les conseils de son agent et retrouva enfin le circuit pro deux ans plus tard.
Mais peut-on vraiment vivre du tennis quand, à vingt-deux ans, on n’a jamais dépassé la 310e place mondiale ? « Financièrement, c’est vraiment pas évident, avoue-t-il. Là, je n’ai plus rien de plus rien ! Je viens de remporter quatre tournois Futures et pourtant je n’ai pas gagné un euro ! Dans un 10 000 dollars, le vainqueur en récolte 1 330. Mais tout est à notre charge : billets d’avion, hébergement, repas. Résultat : aujourd’hui, je n’ai pas de coach, pas de sponsor, je suis à la rue complètement ! Mais c’est comme ça et il faut se battre. »
Désormais domicilié à Paris, Recouderc s’efforce de rester professionnel en concoctant son propre entraînement physique et en appelant à droite, à gauche afin de proposer ses services de sparringpartner. « Je m’autocoache, je suis bien obligé ! Pour l’instant, réintégrer la Fédé n’est pas possible, alors je me démerde en faisant tout, tout seul. Mais qui sait ? Quand les résultats suivront, il y aura peut-être des propositions… Déjà, grâce à mes quatre victoires en Futures, je me suis ouvert pratiquement tous les tableaux de Challengers jusqu’à la fin de l’année. Si je pouvais finir la saison dans le top 150, ça serait bien. Après, bien sûr, l’objectif principal est toujours le même que celui que j’avais chez les juniors : intégrer le top 100 et disputer les tournois du Grand Chelem. Pour moi, c’est seulement à partir de là qu’on peut vraiment être considéré comme un joueur de tennis professionnel. Mais regardez Marc Gicquel, il a pratiquement attendu d’avoir trente ans avant d’exploser ! » En faisant les comptes, il lui resterait alors une confortable marge de huit longues années pour tenter d’émerger lui aussi. « Euh, huit ans, peut-être pas quand même… Si dans cinq, six ans, je suis toujours 300e mondial, alors il faudra que je pense à faire autre chose… » Dans l’immédiat, il s’agit de penser à son premier tour en qualifications, ce matin à Roland-Garros. ARTHUR PRALON