Llodra garde le cap
Vainqueur de Haase en deux tie-breaks, le Français reste fidèle à sa ligne de conduite. Mental et service font la différence.
MICHAËL LLODRA s’est qualifié hier pour les demi-finales de Rotterdam, mais là n’est pas l’essentiel. Bien davantage que sa victoire pourtant significative sur Robin Haase (7-6, 7-6), c’est son parcours depuis le 1er janvier qui suscite le haussement de sourcils. Douze matches gagnés sur quinze (voir l’infographie ci–contre), une constance dans l’attitude qui force le respect : le cliché du gaucher talentueux et fantasque semble avoir vécu. Jadis fameux pour ses coups d’éclat, le Français privilégie aujourd’hui la régularité. « La vérité, c’est que je n’ai pas besoin de surjouer pour gagner des matches, résume-t-il. Simplement parce que mon niveau moyen est très, très bon. »
Contre Haase, Llodra n’évolua ainsi jamais à son top. Émoussé par l’enchaînement des victoires et des tournois (il n’a bénéficié que de quatre jours de repos depuis son départ en Australie), il commence à tirer la langue. La fatigue est surtout nerveuse. « Tenir mon objectif, à savoir être concentré du premier au dernier point, exige beaucoup d’efforts, surtout avec mon style de jeu, explique-t-il. C’est dur, mais il faut admettre que j’en tire les bénéfices. »
Cette attitude ne fut jamais autant mise à contribution que face à Haase. Sous son profil de grand escogriffe (1,90 m, 71 kg), le Néerlandais cache bien son jeu. Il évolue dans un registre assez proche de celui d’Andy Murray. Pas très puissant, il ne cherche jamais à assommer l’adversaire. En revanche, sa lecture du jeu, son sens de l’anticipation, la précision de son déplacement et une excellente « main » font de lui un spécimen plutôt rare sur le circuit. Les Pays-Bas tiennent là un talent assez singulier.
Au-delà d’un service une nouvelle fois très performant (13 aces, 86 % de points gagnés derrière sa première balle), Llodra parvint aussi à faire la décision en suivant la ligne de conduite édictée par son coach : « Plus le score avance, plus “Mika” doit agresser et provoquer l’adversaire, affirme Olivier Malcor. Je n’arrête pas de le lui répéter. Parce que je sais d’expérience qu’un passing facile à tirer dans le premier jeu devient beaucoup plus compliqué à 5 partout dans le jeu décisif. Mika est un attaquant, il doit le rester en permanence. »
« Il avait oublié d’aller courir »
Le scénario du match lui donna raison. Un enchaînement retour-volée fit ainsi la décision dans le premier jeu décisif ; un ace et une magnifique volée annulèrent ses deux seules balles de break (à 3-2 dans le deuxième set) ; et son audace lui offrit le second tie-break. Née d’une longue et franche discussion sur un sofa, à Toronto, en août dernier, l’émergence du nouveau Llodra doit beaucoup à une prise de conscience. « Je lui ai dit que ça ne m’intéressait pas de coacher le Mika qu’on a connu pendant des années, se souvient Malcor. C’est-à-dire un mec qui travaille un mois et puis, qui se laisse aller. Je lui ai aussi assuré que, s’il décidait de se mettre au boulot avec l’intensité mentale nécessaire, moi, j’y croyais. » Les trois semaines passées cet hiver à travailler le physique portent aujourd’hui leur fruit.« Il avait oublié d’aller courir ! poursuit le coach. Là, il a repris les footings de trois quarts d’heure dans le bois, il a fait de l’intermittent sur la piste d’athlétisme... On a aussi beaucoup bossé la vitesse sur le terrain. Résultat, il a pris du muscle dans les cannes et il est beaucoup plus rapide sur les rallyes de fond de court. » « C’est vrai, rien ne me gave autant qu’un footing dans les bois, reconnaît Llodra. Y’a rien de ludique, ça me saoule, c’est l’enfer, mais je suis sûr d’avoir fait le bon choix. Il fallait que je me refasse une caisse. Du coup, j’ai plus confiance en moi. Aujourd’hui (hier), je me sentais un peu fatigué. Mais, dans la tête, j’y étais à cent pour cent. Et puis, quand on prend l’habitude de faire des efforts, du coup, tout vient plus naturellement. Désormais, j’essaye de perdre le moins d’influx possible. C’est aussi ce qui fait la force des bons joueurs. » Le voilà en demi-finales, face à Ivo Karlovic. Son duel avec le géant croate promet aujourd’hui d’épousseter les lignes du carré de service.
VINCENT COGNET