Privé de dessert
Battu par Christophe Rochus au terme d’un match qu’il qualifia lui-même de « dégueu », Richard Gasquet a posé un lapin à Nadal.
On attendait le septième épisode des aventures chez les grands de Richie de Sérignan face à Rafa de Manacor, aujourd’hui en huitièmes de finale à Barcelone. Mais Gasquet n’a pas su aller chercher son ticket choc, s’inclinant hier soir au terme d’un match sans queue ni tête devant le Belge Christophe Rochus (6-1, 6-7, 6-3). BARCELONE – (ESP) de notre envoyé spécial
« RICHARD GASQUET reste très dangereux. Il a un grand jeu d’attaque, un gros potentiel, un revers bellissime. En plus, il bouge bien sur terre, alors je me méfie. Christophe Rochus, pour moi, ce serait plus confortable. » Pas de problème M’sieur Nadal, vos souhaits de l’après-midi, dans la foulée de votre tranquille entrée dans le tournoi (6-2, 6-2 contre Gil), ont été exaucés dans la soirée. C’est bien le talentueux joueur belge, que vous avez néanmoins étrillé il y a trois mois à l’Open d’Australie (6-0, 6-2, 6-2), qui va se retrouver aujourd’hui face à vous.
Battu en trois manches hier soir à 21 h 15 (6-1, 6-7, 6-3), Richard Gasquet a quitté Barcelone et, de toute façon, il n’avait pas l’intention de reprendre la raquette de sitôt : « Au moins un ou deux jours sans, parce que là, je suis vraiment bien énervé. »
Comme il est difficile parfois de tout comprendre quand on voit Gasquet jouer au tennis. Phobie or not phobie ? Est-ce la peur d’affronter Nadal (l’un des trois joueurs qui habitent ses cauchemars avec Ferrer et Nalbandian) qui a retenu ses intentions au fond du court hier ? « Non, c’est pas ça, je jure que j’ai tout essayé. Vraiment. J’ai cherché. J’ai fait ce que j’ai pu. Mais je suis si prévisible du fond. Et puis, je joue si court, dans les carrés. Je suis facile à jouer en ce moment. » Est-ce la peur de se revoir en piteux état qui l’a poussé à demander au caméraman de Canal + d’arrêter de le filmer au début du troisième set ? Ce dernier était arrivé le jour même dans l’optique de saisir des images du Gasquet-Nadal pressenti ce jeudi, dans le cadre de la série documentaire lancée par la chaîne avec pour thème les nouveaux mousquetaires du tennis français... Il n’aura pas trop de bandes catalanes à dérusher. «C’est juste que j’étais mal à ce moment-là, se défendit Gasquet, qui alla ensuite s’excuser auprès du journaliste. J’étais tellement énervé de ce qui se passait dans ce match. Quand on entre un peu dans un état de folie, pfff, tout est possible... J’aurais pu encore plus péter les plombs, et puis le court est si petit, on voit tout ce qui se passe autour. »
Ça, c’est sûr, le court 3 du Real Club de Barcelone est petit. Il n’a pas de gradins qui le surplombent, juste une demi-douzaine de bancs qui le longent derrière la chaise d’arbitre. Gasquet connaît bien l’endroit, il y a passé tout son tournoi. Comme la veille, face à Hernych, il y a conclu le programme, étant le dernier à quitter le court. Comme la veille, à chaque fois qu’il s’asseyait au changement de côté, il avait sous les yeux le dos de la tribune principale du central, habillé d’une gigantesque affiche publicitaire pour le quotidien la Vanguardia. L’affiche mesure dix mètres de haut et trente de large. C’est plus grand qu’un court de tennis. Sur fond bleu se détache en blanc cette citation de Roger Federer, tirée d’une déclaration à la veille de la finale de Roland-Garros 2006 : « Je ne suis pas d’accord. Je l’ai dit des dizaines de fois. Le favori, c’est NADAL. »
Comme s’il était nécessaire de le rappeler à Gasquet... Dommage, car son premier tour, après un mois d’absence à cause d’une épaule en souffrance, avait été intéressant. Même hier, mené 6-1, 2-1, 40-0, il réagit pourtant avec quelques passages de haut niveau, puis retomba tout à coup dans ses travers au début du troisième set, où il effaça même une balle de 5-0. « Son entame de match n’était tout simplement pas digne d’un pro, trancha Guillaume Peyre, entraîneur frustré hier soir. Richard manque de rigueur avec lui-même. Il doit mettre le doigt sur le problème. Ce genre de défaite, soit tu construis dessus, soit tu cherches des excuses et ça bouge pas. » « J’avais les jambes lourdes, le bras lourd, du mal à me concentrer, comptabilisa Gasquet. Un match aussi “dégueu” n’augure pas forcément d’une grande saison sur terre. Le seul point positif, c’est que je n’ai plus mal à l’épaule. Mais bon, voilà, ça montre qu’il faut se remettre en question, encore et encore. C’est le cas pour tous les joueurs de toute façon. À part Nadal. »
JULIEN REBOULLET